Master Métiers du livre

Julien Tardif et Clémence Roquefort : libraires sans concession

Mai 26, 2020 | Librairie

Julien Tardif et Clémence Roquefort ont fondé il y a maintenant trois ans leur librairie indépendante et généraliste place des Cordeliers à Dijon. Entre attentes du métier et réalités, tout le monde se demande comment résister face à la concurrence. Mais les libraires de La Fleur qui pousse à l’intérieur ne font aucune concession sur la librairie de leurs rêves.

Une passion pour la librairie

Trois ans après l’ouverture de leur librairie, Clémence et Julien sont toujours autant passionnés par leur métier. Ils aiment pouvoir découvrir des livres de tous horizons, faire des rencontres et discuter avec leurs clients. Et à La Fleur qui pousse à l’intérieur, ils ont un principe directeur : proposer ce qu’ils estiment être les meilleurs livres possibles, et mettre en avant des livres qui ne se vendent pas beaucoup mais qu’ils souhaitent soutenir absolument. Leur objectif est alors d’essayer de trouver le bon livre pour le bon lecteur.

« On est passionnés de librairie tous les deux. Passionnés de livres forcément, mais encore plus de librairie, dans le sens où l’on rencontre des lieux, des libraires, etc. C’est ça qui nous a donné vraiment envie, en voyant des librairies atypiques. » livre Julien Tardif.

Une librairie à taille humaine et sans concession

Coin lecture à la librairie La Fleur qui pousse à l'intérieur

©Coin lecture à la librairie La Fleur qui pousse à l’intérieur / Justine Ribeiro

Une passion donc, et surtout une volonté de créer la librairie de leurs rêves, idéale pour eux, sans devoir s’adapter forcément aux librairies déjà en place. C’était même une chance selon eux d’avoir des enseignes comme la FNAC, Gibert ou Grangier à côté. Ainsi ils pouvaient suivre leurs propres goûts sans se baser sur la concurrence, et proposer une sélection de livres qui leur tenaient à cœur, des livres qui pour eux méritaient d’être mis en avant, et qui tenaient de leur choix personnel.

C’est donc sans concession que Julien et Clémence ont installé leur librairie à Dijon, là où le manque d’une librairie indépendante et à taille humaine se faisait sentir. Et on peut dire que le pari est réussi. Ils prennent le temps de discuter avec les gens, connaissent leurs clients même s’il y en a de nouveaux tous les jours, et savent les conseiller au mieux dans leurs choix de lecture. Une relation de proximité avec eux s’est créée, et les clients peuvent même rester plus longtemps grâce au petit coin salon de thé.

« C’est un pari de faire ce qui nous plait vraiment, conseiller les livres qui nous plaisent, sans chercher la réalité commerciale à tout prix. »

Les attentes utopiques et les réalités du métier de libraire

Mais certains mythes du libraires sont bien ancrés, et la réalité est parfois bien différente.

De nombreuses rencontres, parfois éphémères

Organiser des événements autour du livre, des rencontres et des dédicaces avec des auteurs fait partie du travail du libraire. On pourrait penser que cela amènerait beaucoup de monde, surtout une nouvelle clientèle, et ferait tourner la librairie. Mais ce n’est pas le cas. Cela vient plutôt s’ajouter à l’activité de la librairie et est à voir comme un plaisir plus qu’un gagne-pain car peu de livres sont vendus durant ces événements. De plus, cela prend du temps aux libraires d’organiser ces événements et d’en faire la promotion sur les réseaux sociaux. Julien et Clémence font alors attention aux événements qu’ils choisissent de faire et privilégient ceux qui pour eux sont un véritable plaisir. On pouvait alors y rencontrer des auteurs comme Louis-Philippe Dalembert, auteur de Mur Méditerranée, ou participer à des Speed Booking.

Plus de livres et moins de temps

Au bout d’un an, les rayons de la librairie comptaient déjà deux fois plus de livres. Aujourd’hui, ils se sont stabilisés à plus de 12 000 exemplaires. Mais plus de livres ne veut pas dire plus de temps pour les lire, bien au contraire. Il faut pouvoir gérer en même temps les clients, la gestion quotidienne de la librairie, la comptabilité, la newsletter, et les soucis de dernière minute. Le temps est morcelé, et il faut pouvoir effectuer plein de tâches en même temps. Récemment, ils ont même embauché une nouvelle personne, Chloé, pour développer la littérature de Jeunesse.

Une excellente mémoire sélective

Il faut alors en librairie avoir une très bonne mémoire car non, il est impossible de tout lire. Mais pour savoir parler d’un livre, le libraire n’est est pas forcé. Le métier de libraire c’est selon Julien de connaître, en dehors du livre même, la grande chaîne de l’édition avec ses auteurs, ses éditeurs, des éléments qui permettent finalement d’avoir confiance en des livres sans les avoir lus. Et c’est là tout l’intérêt du métier, être curieux et découvrir de nombreux livres, d’en lire une petite partie et de les mettre en avant. Et parfois c’est un titre qu’on retient, un auteur, une maison d’édition ou une histoire, mais c’est cette curiosité qui fait qu’on en retient quelque chose.

L’éditeur-libraire : un avenir à l’image des anciens libraires ?

Avant, les libraires étaient éditeurs et publiaient eux-mêmes leurs livres avant que les deux facettes d’une même profession ne se distinguent. Aujourd’hui, encore pas mal de libraires font les deux et publient un livre tous les ans ou tous les deux ans. C’est une idée plutôt saine pour nos deux libraires de La Fleur qui pousse à l’intérieur. Car pour eux, ce qui ne va pas dans l’édition aujourd’hui est la surproduction, le fait de devoir publier des titres non nécessaires. Et cette économie ne leur convient pas. Mais sans devoir en vivre, l’édition serait envisageable. Publier un livre de temps en temps, un livre tombé dans le domaine public ou qui n’est plus disponible mais qui pour eux doit être lu.

Alors peut-être qu’un jour ils se lanceront, mais toujours en cherchant la qualité à tout prix comme ils s’y livrent à la librairie, où ils « éliment » la surproduction éditoriale pour n’en garder que ce qu’ils considèrent comme les meilleurs livres. Et comme le dit la chanson dont Julien et Clémence se sont inspirés pour nommer leur librairie, « Vous n’aurez pas ma fleur, celle qui me pousse à l’intérieur, fleur cérébrale et fleur du cœur, vous êtes les plus forts« . Ils sont la flamme intérieure de leur librairie, et feront de leur mieux pour vous conseiller des livres, des titres qui parfois vous feront sortir de votre zone de confort.

Justine Ribeiro, Master 2 Métiers du Livre 2019-2020

© photos de la librairie La fleur qui pousse à l’intérieur / Justine Ribeiro